Rencontrons-nous !
Fraîchement formée au codéveloppement, j’étais impatiente d’appliquer cette méthode avec mes clients. Mais emportée par mon enthousiasme, j’ai imposé mon outil sans écouter les besoins réels des participants.
Ce n’est qu’en prenant le temps de comprendre leurs peurs que j’ai pu commencer à faire du bon travail. J’ai appris que le besoin de mes clients prime sur les outils.
Je venais de me former au Codéveloppement. J’avais adoré ma formation, animée en québécois dans le texte par le fin et chaleureux Michel Desjardins. J’étais au taquet pour faire bénéficier mes clients de cette merveilleuse méthode d’apprentissage entre pairs.
Pour aligner les planètes, un de mes très chers clients m’appelle. Il me dit : « mon équipe, fraichement formée au sortir d’une fusion, a besoin d’une formation sur-mesure pour mettre en commun et harmoniser leurs outils de travail, tu as carte blanche ».
J’étais tellement à fond qu’avant même de rencontrer l’équipe et d’entendre ce que ses membres avaient à dire, j’avais décidé que le codéveloppement était la méthode idéale pour remplir ma mission. Après tout, on était entre pairs, le savoir qui allait être échangé ne se trouvait pas dans les livres. Quant à l’entraide, pour créer des liens, c’était quand même le top. Même en rêve, je n’aurais pas pu rêver méthode plus adaptée.
La 1ère séance ne donne rien. Personne ne participe. Je me dis que j’ai mal expliqué la méthode, que je manque de pratique.
La 2ème séance ne donne rien non plus. Timidement, un participant me dit que se poser des questions mutuellement, c’est pas trop dans la culture de la maison.
Avant la 3ème séance, une supervision collective me remet sèchement en place. « On dirait que tu es prête à faire n’importe quoi pour leur imposer du codev », me dit l’un de mes pairs. « Le codev n’est pas un kit d’apprenti chimiste et tes clients ne sont pas tes cobayes », me dit un autre. « Occupe-toi de leur besoin avant de satisfaire ton envie ».
Ainsi rhabillée pour l’hiver, je retourne voir le manager de l’équipe pour creuser les raisons du blocage. « Ils savent qu’une fois les outils et méthodes partagés, il n’y aura plus de boulot pour 4. Et ils ont raison. Ce qu’ils n’ont pas encore mesuré, c’est qu’entre le congé maternité de l’une, les vacances des autres et le départ en mobilité du 4ème, ils ne seront plus que 3 dès le mois prochain », me répond placidement le manager. Je sais bien qu’ils ont peur et j’ai besoin de toi pour les aider à surmonter cette peur.
Ah oui, ça je sais faire. Mais pas à grands coups de codev sur la tête.
Le manager est venu à la 3ème séance pour mettre les choses en perspective:
Vous avez de bonnes raisons d’avoir peur que cette formation nous mène à la suppression d’un poste. C’est ce dont nous allons avoir besoin pour gérer vos absences et mobilité.
Vous pouvez continuer à ne rien changer à vos pratiques actuelles, et vous aller souffrir comme des bêtes à partir du mois prochain car vous ne serez plus que 3, avec des passages de relais compliqués.
Ou vous pouvez vous y mettre tout de suite, en espérant être prêts le mois prochain. Ça va être juste-juste.
C’est vous qui voyez.
Au démarrage de la 4ème séance la semaine suivante, le plan de transfert était prêt, sans aucune intervention de ma part.
La 5ème séance n’a jamais eu lieu : l’équipière enceinte était partie prématurément en congé mat’, non sans avoir célébré avec ses collègues le fait qu’ils étaient tous prêts à la remplacer. En rentrant 3 mois plus tard, elle m’avouera avoir été quand même un peu vexée que ses collègues n’aient jamais eu besoin de l’appeler pour lui demander de l’aide.
Saison 1 : souriez de mes erreurs professionnelles pour faire la paix avec les vôtres
Saison 2 : des personnes de tous horizons professionnels partagent ce qu’ils et elles ont appris de leurs erreurs