Rencontrons-nous !
Lors de ma première mission dans l’univers de la mode, j’ai sous-estimé l’impact des codes vestimentaires dans ce milieu. Habituée à des environnements moins exigeants en la matière, je m’étais présentée avec une tenue pratique, loin des standards attendus. Un conseil apparemment bienveillant m’a poussée à adapter ma garde-robe… mais cela ne m’a pas épargné une erreur vestimentaire mémorable.
C’était ma première mission dans le monde de la mode. J’y suis allée comme chez mes chers clients de la grande distribution : avec mes kilos de trop et ma garde-robe de prêt-à-porter de base. Après tout, je n’étais pas embauchée comme mannequin, mais pour mes compétences de consultante, dont j’estimais ne plus avoir à faire la preuve.
À la sortie de la réunion de démarrage, la directrice marketing me prend à part et me dit, d’un air apitoyé : « Tu vas faire l’essentiel de ta mission en magasin, Cécile. Le mieux, ce serait pantalon noir, col roulé noir. Et tu verras, ça te mincira ! ». Un peu estomaquée par ce conseil que je m’efforce d’interpréter comme bienveillant, je m’exécute. N’ayant qu’un ensemble noir dans ma penderie, je cours en acheter deux autres, histoire de tenir les trois mois que va durer la mission. Ah et puis au passage, je me rachète des chaussures. La paire que je trouve est si classique et confortable que j’en prends deux : une noire et une bleue marine. Me voilà rhabillée pour plusieurs hivers. Ça tombe bien, j’ai vraiment beaucoup mieux à faire que du shopping.
À la fin de ma mission, je devais prendre rendez-vous avec la présidente, qui de l’avis général était un chameau. « Le diable s’habille en Prada » n’était pas encore sorti, mais vous voyez le genre. Je m’étais donc préparée à fond pour cet entretien en tête-à-tête. Et puis, après plusieurs mois de fréquentation du comité de direction habillé par la maison de pied en cap, j’avais fini par saisir la différence entre un col roulé de soldeur qui gratte et un cachemire. Je m’étais même trouvé des pantalons bien coupés et j’avais noté la différence dans le regard appréciatif de ma chère directrice marketing. Bref, le jour de mon rendez-vous avec la Présidente, j’étais prête : sur le fond, et sur la forme.
Au moment où je descends le grand escalier qui mène à la cantine, je vois deux filles qui pouffent en me voyant. Puis deux autres. Puis tout une tablée. Je baisse les yeux et là, le sol se dérobe sous mes pieds.
J’avais mis une chaussure noire et une bleue. Comme dans un film de Pierre Richard.
Écarlate de honte, j’ai eu quelques secondes pour décider : je rentre me changer et j’arrive en retard à mon rendez-vous, ou je vais à mon rendez-vous sapée comme un clown.
La Présidente a écouté très attentivement que j’avais à lui dire, et nous avons échangé pendant plus d’une heure sur les suites à donner à ma mission. Si elle a vu mes chaussures dépareillées, elle a eu la politesse exquise de n’en rien laisser paraître.
Saison 1 : quelques-unes de mes boulettes professionnelles
Saison 2 : des personnes remarquables partagent ce qu’ils et elles ont appris de leurs erreurs professionnelles