Rencontrons-nous !
Peut-on vivre du coaching en France en 2022 ? De nombreuses personnes m’appellent pour me poser la question. Elles comptent peut-être sur mon franc-parler proverbial pour aller plus loin que les chiffres avantageux présentés par les écoles de coaching.
Le marché du coaching explose dans le monde entier : entre 2015 et 2019, l’ICF annonce une augmentation de 33% du nombre de coachs dans le monde, soit 70.000 coachs dont 20.000 en Europe de l’Ouest.
Les chiffres français font état de 1.600 à 4.000 coachs en activité en 2021, ce qui paraît peu, et surtout peu fiable. Combien, dans le tas, exercent le métier de coach ? En indépendant ? Coach externe salarié ? Coach interne ? Quelle est la part du coaching individuel, collectif, d’équipe ? Du coaching professionnel et d’autres formes de coaching comme le coaching sportif, nutritionnel ou amoureux ? Il n’existe aucune source officielle et les chiffres des adhérents aux différentes fédérations ne permettent aucune extrapolation.
En revanche, je note un chiffre donné par l’ICF. Le revenu annuel moyen généré par les coachs professionnels est de 47 k€ en 2020. Il s’agit d’une moyenne bien sûr. Coach depuis 20 ans et indépendante depuis 9 ans, mon CA a varié de 45 à 135 k€ annuels et je n’ai aucune assurance que ces oscillations se stabiliseront un jour. Tout ce que je sais, c’est que mon point mort est à 75 k€ et qu’avec les chiffres de l’ICF, j’aurais fermé boutique.
Je ne prétends pas détenir la vérité universelle. J’espère toutefois que le récit de mon expérience personnelle sera utile à quiconque se pose la question de savoir s’il est possible de devenir coach et d’en vivre en France en 2022.
20 ans d’expérience professionnelle en cabinet de consultants m’ont permis d’acquérir de solides savoir-faire.
Pendant ces années, j’ai suivi des centaines d’heures de formation, tant pour mon développement professionnel que pour mon développement personnel. À l’époque, la formation certifiante est une denrée rare. Ma boîte à outils de coaching (Sociodyamique, PNL, Analyse Transactionnelle, etc) a beau être fournie, je n’ai aucun diplôme. Sur un marché du coaching professionnel encore peu encombré, ce n’est pas encore un problème.
En 20 ans de vie professionnelle, je me suis également constitué un réseau. D’anciens collègues passés du côté opérationnel, tentés par l’aventure du leadership. D’anciens clients, aussi, qui ont entre-temps connu une belle évolution professionnelle.
Enfin, 2 ans d’exercice en portage m’ont permis non seulement d’affiner mon offre, mais également d’économiser l’équivalent d’un an de trésorerie avant de me défaire pour toujours du filet de sécurité de l’assurance chômage. Ce n’est pas un détail : je ne tarderai pas à me féliciter d’avoir eu cette prévoyance et de m’y être toujours tenue.
Stéphanie Brouard, directrice de collection chez Eyrolles me donne carte blanche pour rédiger un opus de la collection de développement personnel « Et si ». Cela deviendra Et si je faisais bonne impression, communication non-verbale mode d’emploi.
Antoine Bacholle, alors directeur général d’une clinique privée me confie la conception et l’animation d’un projet d’établissement. Cette aventure passionnante donne à Atsumi une première référence couvrant l’ensemble de son offre. Elle me permet aussi de commencer à me verser un salaire.
Je profite de cette rétrospective pour remercier plus largement celles et ceux qui m’ont donné un contrat pour démarrer, un avis sur mon site internet, des conseils pour me dépatouiller des démarches administratives.
Pire. Une bonne partie d’entre eux deviennent coachs professionnels et sont mieux placés que moi pour travailler avec leurs anciens employeurs. Ma capacité à gagner de nouveaux clients n’arrive pas à endiguer l’hémorragie.
Des centaines de coachs certifiés déboulent sur le marché tous les ans. Et mon expérience personnelle n’a rien d’un cas isolé. Selon l’ICF, le nombre de praticiens du coaching a augmenté de 33% entre 2015 et 2019 dans le monde. Or, la France continue traditionnellement à donner la priorité au diplôme sur l’expérience. Mon expérience n’y fait pas grand-chose. Je suis éliminée d’office des appels d’offres et du référencement dans beaucoup de grands groupes. Ceux-ci préfèrent en effet la sécurité d’un cabinet de coaching qui a pignon sur rue quand ils envisagent de faire appel à un coach.
Mon chiffre d’affaires, réparti entre conseil (40%) formation (15%) coaching d’équipe (30%) et coaching individuel (15%), passe de 135 k€ en 2016 à 45 k€ en 2019.
Matthieu Mérot, mon expert-comptable, tous les ans au moment du bilan, m’a donné des raisons de rester optimiste quant à ma capacité à vivre du coaching. « Pas de panique, vous avez du temps pour vous retourner », et des conseils salutaires. « Vous aimez vous former ? formez-vous ! C’est un investissement dans votre entreprise. Et ce n’est pas quand vous facturerez à plein temps que vous pourrez le faire ».
Jérôme Parisse, qui avait été mon premier manager dans les années 1990 chez Bossard, m’appelle un jour d’Australie. Il me propose de rejoindre, en tant que vacataire, un cabinet de consulting qui se développe en Europe. L’accompagnement au changement culturel en entreprise, c’est dans mes cordes. A distance ? Je m’y habituerai. En anglais ? J’étais bilingue à 15 ans, pourquoi pas à 46, après 20 ans sans pratiquer ?
Mon mari, Jean-Marc Guinnebault, qui a assuré les dépenses exceptionnelles de notre ménage pendant ces 3 années. Célibataire, je n’aurais sans doute pas pris le risque de persévérer.
Entamer un partenariat en situation de faiblesse, c’est la meilleure manière de se faire piller son temps, ses savoir-faire, ses clients et sa confiance en soi. En affaires comme en amour, mieux vaut être seule que mal accompagnée.
Formation intéressante mais trop psy, m’ont dit les uns. Pas certifiante, m’ont dit les autres. Pas conforme aux critères d’accréditation de l’International Coach Federation, de toutes façons.
Au bout d’un semestre de cours du soir au CNAM à écouter passivement des cours magistraux à recracher par cœur à l’examen, j’ai craqué. Cette méthode d’enseignement n’est pas adaptée à mes enjeux de professionnalisation rapide et opérationnelle.
« Pas question tant que vous n’êtes pas coach professionnel certifié », m’ont répondu toutes les écoles de coaching françaises que j’ai contactées. Peu importe que j’aie pu exercer le métier de coach en entreprise pendant plus de 15 ans, là encore.
Ce conseil m’a été donné par une de mes très chères clientes, exaspérée de me voir galérer. Le marketing d’accord. Le toc, jamais ! En définitive, je me suis formée en Angleterre à l’Academy of Executive Coaching. J’y ai obtenu le diplôme d’Advanced Practitioner Diploma avec mention.
Je savais que, seul, ce diplôme ne suffirait pas. Il me fallait redéfinir mon positionnement en tant que coach professionnelle de dirigeant. C’est Claire Michaut qui m’y a aidée. À travers son questionnement, j’ai pu retrouver de la valeur et du sens dans mon parcours professionnel. J’ai également pu mettre en perspective mes savoir-faire et savoir-être historiques par rapport aux évolutions du métier de coach. Seule, je n’y serais pas arrivée.
Pendant ce temps, serrage de ceinture maximum côté salaire et activité ralentie. Le fait d’avoir acté cet état de fait comme une stratégie d’investissement avec mon expert-comptable a été déterminant pour m’aider à tenir. Financièrement et moralement.
Deux leviers m’ont permis de redresser la barre
J’ai tout d’abord développé des partenariats avec des cabinets Américains et Britanniques. Ceux-ci apprécient de travailler en France avec une partenaire native du cru capable de travailler en anglais. Outre les pays anglophones, mon réseau de partenaires compte maintenant des correspondants au Bénélux, en Scandinavie, en Suisse, en Europe de l’Est, en Inde et en Asie du Sud-Est avec des coachs certifiés et des facilitateurs qui ont un profil comparable au mien.
Ces partenariats m’ont permis d’acquérir des expériences et des références internationales en matière de coaching individuel, mais surtout en coaching de groupe et coaching d’équipe. Ils m’ont également appris à clarifier et mieux gérer les attentes et les contributions respectives dans un partenariat.
Aujourd’hui, grâce à ce réseau, Atsumi peut monter des équipes pluridisciplinaires pour accompagner des projets internationaux de développement de leurs dirigeants.
Comme la plupart de mes confrères et consœurs, les séminaires et les séances de coaching en présentiel m’ont manqué pendant 2 ans. Cela dit, je considère que le prix personnel à payer pour cette adaptation a été beaucoup moins douloureux que la traversée du désert des 3 années précédentes !
3 ans de travail à distance avec mes partenaires anglo-saxons m’avaient en effet donné un peu d’avance sur les affres technologiques dans lesquels beaucoup de mes collègues et clients se sont retrouvés brutalement plongés au début de l’épidémie de COVID19. Dès l’été 2020, je me suis formée à la pédagogie en ligne, ayant compris que cela n’avait pas grand-chose à voir avec la pédagogie en salle. Cela m’a permis de remplacer le coaching d’équipe par de la formation en ligne pendant toute la pandémie (30% de mon CA).
97% de mon CA est réalisé en ligne depuis 2020.
51% de mon CA est réalisé en Anglais, 49% en Français.
Je passe au maximum 50% de mon temps de travail à coacher. Le reste est consacré à :
Et il va falloir réintégrer le temps de trajet et de gestion logistique, qui avaient disparu ces deux dernières années. Très sincèrement, ça ne me manquait pas.
Prendre du recul pour observer les pratiques en train d’émerger, qui vont avoir un impact sur ma capacité à vivre du coaching
À suivre !
ICF 2020 global coaching study
The Advanced Practitioner Diploma, my most impactful learning journey (en Anglais)