Rencontrons-nous !
Aux 8 ingrédients du coaching d’équipe, j’en ai ajouté une qui fait tout particulièrement partie de mon ADN, le jeu de Go. Ce jeu de stratégie d’origine chinoise est tellement adapté pour stimuler l’intelligence collective que j’y recours souvent dans mes accompagnements d’équipes.
Dans cette étude de cas je vais tenter de répondre à 3 questions :
Coach de dirigeants et d’équipe depuis 20 ans, je partage dans ce blog mes expériences les plus marquantes : par l’impact qu’elles ont eu sur mes clients, mais aussi celles qui m’ont appris le plus.
Loïc est Directeur Général d’une grande entreprise qui traverse une tempête concurrentielle sans précédent. Lui et son Codir sont désemparés face à la virulence des attaques qu’ils subissent de la part des nouveaux entrants sur le marché. Chacun a fait de son mieux dans son domaine de compétence pour résister, mais force est de constater que les efforts individuels ne produisent pas grand-chose, sinon des tensions entre membres du comité de direction et leurs équipes respectives.
Loïc a assisté il y a une dizaine d’années à une formation management et jeu de go. Son intuition lui dit que cette approche stratégique loin des sentiers battus aidera peut-être son Codir à faire émerger collectivement des solutions innovantes et un plan d’action qui tient la route.
Il m’appelle quelques semaines avant le séminaire de début d’année, prévu cette année dans une station de ski.
Loïc constitue un petit groupe de travail pour préparer le programme de coaching de l’équipe. Ils me décrivent la culture d’entreprise, ses belles valeurs, mais aussi ses archaïsmes et les lourdeurs dans ses modes de fonctionnement. Ils m’expliquent aussi en détail comment l’entreprise s’est retrouvée dans les difficultés où elle se débat aujourd’hui. Enfin, ils me racontent les tentatives de solution infructueuses pour redresser la barre.
Pour résumer, cette équipe de direction souffre de deux problèmes majeurs qui l’empêchent de résoudre son problème stratégique :
Malgré les efforts de Loïc pour établir une vision partagée, chaque membre du CODIR travaille dans son coin sans se concerter avec ses collègues. Une partie importante de l’énergie opérationnelle des équipes est consacrée à gérer les conflits interpersonnels entre leurs supérieurs hiérarchiques, au lieu de se battre contre les concurrents ou de s’occuper des clients.
Jusqu’ici protégés des guerres concurrentielles, les membres du Codir tentent de réagir aux attaques des nouveaux entrants en rendant coup pour coup. Notamment sur les prix. Or, les nouveaux entrants sont prêts à tout pour conquérir des parts de marché et l’entreprise de Loïc ne peut pas suivre sans mettre des milliers d’emplois en danger.
Munie de ces deux constats, je prépare une intervention en 2 temps pour répondre à l’objectif du coaching défini par Loïc. Aider son Codir à adopter un regard différent sur ces questions de stratégie. Avec l’arrière-pensée qu’un regard différent les aidera à adopter une posture et des comportements différents… et notamment à travailler ensemble au service de la performance collective. Le Jeu de Go me sert ici à 2 niveaux : à renforcer la cohésion de l’équipe par son caractère ludique ; à faire évoluer la vision du monde de cette équipe
Après une bonne après-midi de sports d’hiver, le groupe se retrouve au bar de l’hôtel. L’ambiance est détendue, les joues sont rouges de soleil et de froid, et les verres sont pleins. La soirée se déroule en 3 temps :
Présentation du Go : comparaison rapide avec les Échecs, quelques apports historiques,
Parties d’initiation : apprivoiser les règles de base, tout en installant la dynamique de groupe,
Partie en équipe : commencer à établir des liens entre intention, stratégie et tactique. Pendant cette partie, chaque équipe doit se concerter sur :
Une fois que les coups sont posés sur le Goban projeté au mur, je glisse quelques commentaires malicieux. Pour faire bref, je donne à chaque équipe de quoi se féliciter, se chamailler, se chambrer mutuellement… et de quoi alimenter une réflexion approfondie le lendemain. Tout le monde rit beaucoup. À table, les discussions vont bon train et la soirée se termine fort tard. Vu de ma fenêtre, l’objectif cohésion d’équipe semble atteint.
Le travail de coaching d’équipe à commence officiellement le lendemain matin. Je troque ma casquette de joueuse de Go contre celle de facilitatrice, avec une question d’échauffement : Qu’avez-vous retenu de votre initiation au Go ? Là, les commentaires de partie de la veille fusent :
– Faut pas se coller à l’autre !
– Faut occuper l’espace inoccupé !
– On défend au près on attaque au loin !
– On n’attaque que quand on est en supériorité numérique !
– Fuir c’est plus facile qu’encercler !
Une fois les mémoires bien éveillées, mon questionnement devient plus incisif : en quoi ces enseignements éclairent-ils vos challenges stratégiques actuels ? Après un long silence, la Directrice Qualité lance :
– Avec nos opérations prix cassés, et on s’épuise à essayer de d’encercler nos concurrents. Mais en vrai, on ne fait que leur courir après sans jamais les attraper.
– Mais qu’est-ce que tu veux faire d’autre ?
– Qu’est-ce qu’on a nous que nos concurrents rêveraient d’avoir ?
– La connaissance client !
– Le maillage territorial !
– La proximité !
– Et qu’est-ce qu’on fait pour tirer parti de ces avantages ?
– …
Loïc est aux anges. Son équipe parle enfin d’autre chose que de prix. À la fin du séminaire, des certitudes stratégiques se sont fissurées. L’équipe a commencé à parler d’autres pistes stratégiques, certains sont même prêts à tenter autre chose… Mais le collectif n’a pas encore la maturité pour à passer à l’action. On se quitte ravis, mais sans plan d’actions.
Lors du débriefing en coaching individuel, Loïc partage son feed-back. Les objectifs de renforcement de la cohésion de l’équipe et de prise de recul sur les enjeux stratégiques sont atteints. La brèche ouverte dans les modes de pensée de son équipe est réelle : dans les discussions au sein de l’équipe, des références au Go fleurissent. Cela dit, le passage à l’action espéré n’a pas encore eu lieu.
Le processus de coaching est bien engagé, il n’est pas abouti et cela n’a rien d’alarmant. La séance de coaching collectif a fait prendre conscience de la possibilité d’une autre approche stratégique. Elle a également permis d’identifier celles et ceux qui sont prêts à passer à l’action, et de clarifier les craintes de celles et ceux qui n’y sont pas prêts.
Le passage à l’action se fera progressivement :
Six semaines plus tard, Loïc m’appelle. Son adjointe a bien entamé un travail transverse avec plusieurs managers pour développer des synergies inter départements autour du thème de la proximité. Quant au Directeur Commercial, plus farouche défenseur du maintien de la stratégie prix, il est au pied du mur. Les concurrents sont plus agressifs que jamais et ses collaborateurs menacent de quitter l’entreprise avant qu’elle ne sombre.
Selon Loïc, et je partage son avis, le potentiel de la situation est mûr pour un changement collectif. Il convoque une nouvelle réunion de Codir, en demandant à chacun de venir avec des propositions.
Lors de cette réunion, contrairement aux habitudes managériales de cette entreprise, un binôme de managers parle au nom des ¾ du Codir : « nos équipes ont collaboré, et pour mieux gérer le temps de cette réunion, on vous propose une mise en commun concertée ». L’adjointe de Loïc, qui a travaillé dans l’ombre à cette co-construction, sourit discrètement et laisse la primeur de cette prise de parole à ses collègues. Les plus réticents, se voyant isolés, trouvent chacun un moyen de monter dans le train en marche. Quant au directeur commercial, il sauve habilement la face en faisant une proposition qui lui permet de prendre le leadership sur les prochaines étapes du plan d’action démarré sans lui. Certains de ses collègues tordent un peu le nez, mais mieux vaut un allié égocentrique qu’un adversaire.
Cette entreprise a amorcé un virage stratégique vital… Juste avant que les contextes du Covid, puis de la guerre en Ukraine ne viennent encore rebattre les cartes. Ces bouleversements stratégiques sont toujours difficiles à vivre, mais y trouver des parades collectives est désormais un exercice régulier pour ces dirigeants, qui y associent de plus en plus leurs collaborateurs.
L’équipe a compris que le leadership stratégique ne peut être que collectif. Collaborer entre pairs est petit à petit devenu une pratique. Du reste, celles et ceux qui ne voulaient pas renoncer au management hiérarchique traditionnel ont quitté l’entreprise de leur propre chef.
Mon intervention en tant que coach de l’équipe a été légère :
Loïc et son adjointe ont continué à coacher leur Codir et les collaborateurs pour ancrer les nouvelles pratiques de collaboration inter équipes et de prise de décision dans les habitudes des opérationnels.
2 ans après, l’adjointe de Loïc m’a fait l’amitié de revenir sur les apports de ce coaching d’équipe.
« Le jeu de Go nous a permis de challenger non seulement notre stratégie concurrentielle, mais aussi notre pratique managériale et nos stratégies relationnelles. Le jeu nous a fait faire un pas de côté pour prendre du recul sur nos modes opératoires. Sans cette méthode, nous n’aurions pas su challenger notre façon de voir nos problématiques.
Pour moi, il y a eu plusieurs déclics qui sont encore très vifs aujourd’hui. Bien sûr, tu sais que je ne joue toujours pas au Go même si j’aimerais vraiment apprendre à mes enfants à jouer. Du reste, je compte sur toi !
Mais pour revenir à ce que le Go nous a apporté professionnellement, ça a ouvert un espace d’approfondissement et de partage entre dirigeants. C’est très stimulant intellectuellement et plus puissant que la plupart des séminaires que nous avions organisés jusqu’alors. »
Vous aurez peut-être envie de découvrir mes offres autour du Jeu de Go, support de coaching stratégique en entreprise.
Vous pouvez également faire un tour à la rubrique stratégie jeu de go du blog de Bridge the Gap Coaching, pour en apprendre davantage sur ce que le jeu de Go apporte au management d’entreprise.