Rencontrons-nous !
Si le bien-être au travail est un sujet à la mode, peu nombreuses sont les approches qui tiennent la route. Celle de ma consœur Cécile Schauer-Augier m’a interpellée, car elle part d’un constat iconoclaste et aboutit à des solutions concrètes.
Selon elle, ni le sens du travail ni la qualité des conditions de travail ne suffisent à garantir l’épanouissement des salariés. Il faut un cadre organisationnel clair, pour répondre à la demande croissante de cohérence entre les paroles et les actes. Alors que beaucoup d’entreprises confondent sens du travail avec RSE, QVT avec baromètre de satisfaction des salariés, j’ai trouvé ce point de vue rafraîchissant. Du reste, à voir le nombre de DRH qui réagissent aux billets de Cécile sur le blog d’Aimer Travailler, je ne suis pas la seule.
À l’occasion de la semaine de la QVT, j’ai invité Cécile à partager sa vision du bien-être au travail et sa méthode pour le développer. Elle l’a fait avec humour et générosité, et ça décoiffe.
Parce que je ne me reconnais pas dans ces discours qui opposent bien-être et performance. Il faudrait les « concilier » comme s’ils étaient opposés, alors que l’un est la condition de l’autre.
Quand j’ai lu la définition de la qualité de vie au travail de l’OMS, je suis tombée de ma chaise. J’y trouve « perception des salariés », « santé physique », « relations sociales », « état psychologique ». Mais sur 70 mots, le mot « travail » n’apparaît pas une seule fois !
J’observe le même type de déconnexion entre les discours à l’embauche et les attentes des salariés. Côté employeur, j’entends « salaire, baby-foot et team-building ». Côté salariés, j’entends « utilité, reconnaissance, perspectives d’évolution, possibilités de télétravail ».
Je crois que le travail peut être le terrain où l’être humain peut déployer ses talents au service de ce qui fait sens pour lui… c’est ma compréhension du bonheur au travail, et je la crois possible !
J’ai démarré vie professionnelle dans la logistique. J’ai ensuite fait une césure pour me consacrer à ma vie personnelle au moment de la naissance de mes filles. Quand j’ai repris une activité professionnelle, il y a une douzaine d’années, j’ai trouvé un poste dans une ONG luxembourgeoise. J’étais enchantée de m’orienter vers le secteur humanitaire, qui faisait sens pour moi. J’espérais y trouver un épanouissement que je ne trouvais plus dans les entreprises traditionnelles. Je n’ai pas tardé à déchanter. Au bout d’un mois et demi à peine, mon dos me disait que ça n’allait pas le faire ! Mon mal-être s’est progressivement mué en épuisement, puis en burn-out.
En prenant du recul, j’ai remarqué que les cas de harcèlement moral, et de souffrance au travail n’étaient pas rares. Je parle ici du monde des ONG, mais aussi de celui des start-ups. Beaucoup de ces environnements de travail attirent des salariés ou des bénévoles sur des valeurs. Et paradoxalement, ils ne permettent pas à leurs collaborateurs de s’épanouir et d’être heureux au travail. J’ai alors décidé d’aider les dirigeants de ces structures à aligner leurs pratiques managériales et organisationnelles sur les valeurs qu’ils portent au-dehors. C’est la condition sine qua non de leur pérennité.
Il y en a deux principaux, qui me paraissent spécifiques aux entreprises qui ont un « pourquoi » très affirmé. La première, c’est que les valeurs des fondateurs, sur lesquelles a été fondée l’organisation, créent des fausses évidences et des malentendus. La seconde, c’est l’informel : à force de ne pas vouloir ressembler aux entreprises traditionnelles, beaucoup de ces organisations pêchent par excès inverse. Or, sans cadre organisationnel clair, le climat social se dégrade immanquablement. Le stress au travail et les risques psycho sociaux (RPS) se multiplient.
Beaucoup d’ONG et de start-ups sont porteuses d’une raison d’être et de valeurs fortes. Celles-ci constituent la signature de ces organisations auprès de leurs bénéficiaires, clients ou partenaires. Or, ces valeurs ne se traduisent pas toujours dans les modes de fonctionnement internes.
Prenons la valeur Justice. Une ONG se bat pour que le travail des paysans d’Amérique du Sud soit justement rétribué. Pour remporter ses combats, cette ONG fournit un travail de fond important, qu’elle demande à ses salariés… Dont les heures sup ne sont ni décomptées, ni payées.
Autre exemple. Souvent, l’expertise et l’innovation technologique constituent les motivations principales des créateurs de start-up. La société croît vite, et ils se retrouvent à devoir recruter, puis manager leurs collaborateurs. Et là, ils disent : « mais je n’ai pas fait tout ça pour devenir un petit chef ! Je leur donne de l’autonomie, que veulent-ils de plus pour innover ?
Que ce soit une ONG ou une start-up, les fondateurs investissent leurs valeurs, leurs idéaux, leur temps et leur argent. C’est leur bébé et quel que soit le retour qu’ils en attendent, ils s’investissent à fond. Dès lors, ils considèrent souvent que les salariés doivent partager les mêmes valeurs, faire preuve du même engagement et assumer la même charge de travail qu’eux. Or les besoins et les attentes d’un collaborateur ne peuvent pas être les mêmes !
Par ailleurs, ces secteurs partagent un rejet tenace de « l’ancien monde » dont ils sont souvent issus. Pour eux, « dialogue social », « politique RH » et « pouvoir » sont des gros mots ! Ils ne rêvent que de sociocratie ou d’organisation sans chef, sans se rendre compte que ces modes d’organisation du travail demandent un cadre et des processus de décision ultra-structurés pour générer bien-être et performance.
Les ONG ne parviennent à fidéliser ni leurs bénévoles, ni leurs salariés, et risquent à terme de mettre la clé sous la porte. Les start-up sont freinées dans leur développement par une ambiance de travail dégradée, puis un turn-over qui prend parfois des proportions délirantes. Dans les deux cas, on observe des risques psychologiques élevés et des problèmes de santé mentale au travail.
Et puis je vais te dire un secret que je partage avec mes clients : si tu ne prends pas en main le leadership de ta boite, d’autres s’en chargeront. Et pas toujours dans la direction que tu souhaites ! Le management, c’est comme la culture d’entreprise : tu les façonnes ou tu les subis.
Je l’explique en détail dans mon dernier billet de blog, La qualité de vie au travail : un levier de performance et de fidélisation pour les TPE-PME. Pour résumer, je m’adresse à des gens qui ont du pouvoir sur les éléments déterminants du bien-être au travail.
Une fois établi le fait que s’ils ne font rien pour améliorer les conditions de travail de leurs équipes, l’organisation à laquelle ils ont consacré toute leur passion et leur énergie risque de disparaître, on peut s’y mettre.
Auprès des dirigeants d’ONG, j’ai compris que l’amélioration des conditions de travail de leurs salariés ne serait jamais une priorité. Il est en effet de bon ton d’afficher que la totalité des dons doit être destinée aux projets de développement… Bref ! En revanche, ils sont obnubilés par le recrutement et la fidélisation des bénévoles, dont l’existence de l’association dépend. Je les fais donc travailler sur ce que contribuer au travail de l’ONG peut apporter aux bénévoles. En effet, l’amélioration des conditions de travail des bénévoles peut être un levier pour améliorer celles des salariés. Un cadre plus clair, des contributions et des responsabilités mieux définies profitent à tous. Pour le dire autrement, des bénévoles heureux, ça fait des employés heureux.
Avec ces dirigeants-là, j’ai davantage de leviers, car on est dans des univers hyper concurrentiels où le recrutement de profils rares et pointus est la condition de la croissance.
D’abord, je leur demande quel type de leader ils ont envie d’être. Ils ne sont pas obligés de ressembler à leurs anciens managers dont ils gardent un mauvais souvenir ! Ensuite, je les amène à prendre conscience que leurs salariés n’ont pas les mêmes besoins qu’eux.
Progressivement, on identifie les responsabilités et les processus à clarifier pour articuler leur style de leadership et les attentes des salariés. Cela leur permet déjà de ne pas raconter n’importe quoi en entretien de recrutement. Ensuite, cela permet de structurer les modes de fonctionnement organisationnels qui vont favoriser un travail de qualité, des relations de travail saines, et donc du bien-être au travail.
Tout se sait, tu sais. Si les discours à l’embauche ne sont pas “raccord” avec la réalité des conditions de travail, tu peux acheter tous les avis que tu veux sur Glassdoor, ta marque employeur ne s’en remettra jamais. Et puis, si tu veux aller sur le terrain de la fidélisation, allons-y ! Offrir des conditions de travail satisfaisantes à ses salariés est plus productif que de devoir gérer 15% de turn-over et autant d’absentéisme.
Le cadre organisationnel de travail est le lien indispensable entre les valeurs de l’organisation et les conditions de travail. C’est ce lien qui va créer du bien-être au travail.
Et si tu veux en savoir plus, rendez-vous sur aimertravailler.com !