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Sortir du cadre : comment j’ai réappris à voyager

Mis à jour le : 13 août 2020

On the road again, Zoé en route pour Puy-Saint Pierre, via la Membrolle-sur-Croisille et Saint-Jean-de Bournay.

“Nous ne sommes pas des pions dans un jeu, mais plutôt des joueurs qui savent que les règles ne sont “réelles” que dans la mesure où nous les avons créées et acceptées, et que nous pouvons les changer”. Paul Watzlawick. Pour changer, donc, il suffirait de sortir du cadre? Pas si simple…

Ceux qui connaissent mon goût pour les changements comportementaux ne seront pas étonnés que je mette mes vacances à profit pour faire des expériences improbables… et pour en partager les apprentissages avec curiosité. Ce qui me fait sortir du cadre est-il transposable à d’autres personnes, d’autres cadres ?

Sortir de quel cadre, d’abord ?

En matière de voyages, la norme qui s’est imposée ces 40 dernières années, c’est « x nuits y jours sur place ». Peu importe que « sur place » soit synonyme de journées de farniente au soleil, de trek à dos de yak, de stage de tennis intensif ou de visites d’abbayes en attendant le concert du soir. Pas étonnant que le jeu consiste à réduire au maximum les temps de trajet, puisqu’on n’est en vacances qu’une fois « sur place ». 

N’en déplaise aux sages apocryphes qui fleurissent dans les manuels de développement personnel : pour le commun des mortels, le voyage, c’est la destination.

Sortir du cadre, pourquoi au juste ?

Il n’aura échappé à personne qu’en 2020, voyager loin et en transports en communs est… déconseillé. En fait, ça ne date pas tout à fait d’hier : cela fait quelques années maintenant que voyager loin et prendre l’avion ont rejoint la longue liste des injonctions contradictoires de notre société de consommation en train de s’auto-asphyxier : prendre l’avion c’est pas bien mais l’aller-retour Paris – Tenerife moins cher qu’un Paris – Marseille en TGV pour grosso-modo le même temps de trajet, ou un aller-retour Paris-Ajaccio dans le week-end au même prix qu’un dîner au resto à Paris, comment résister ?

La mauvaise conscience seule n’a pas réussi à me faire sortir du cadre.

Sortir du cadre, pour quels bénéfices… et à quel coût ?

Avranches-Briançon en voiture, c’est 920 km par les routes nationales, soit 14 heures de route et trois pauses d’au moins 2h à une borne de recharge rapide, soit 20 heures de trajet (ou 990 km par autoroute, soit 10h30 + 5 x 2h30 de recharge rapide, c’est vous qui voyez).

A cette échelle, le trajet devient forcément une partie importante du voyage. Encore une fois, c’est la contrainte qui me pousse à sortir du cadre.

Renouer avec les copains qu’on ne voit plus jamais maintenant qu’ils ont quitté les grandes villes.

La copine de Saint-Pierre-des-Corps et la cousine de Millery habitent trop loin des centres-villes de Tours et de Lyon ou des grands axes pour qu’on puisse leur rendre visite lors d’un voyage-destination. Alors que dans le cadre d’un voyage-trajet, elles sont situées pile aux bons endroits pour passer la soirée… et la nuit parce que loin des centres-villes, elles ont de la place pour loger des amis.

Visiter ces villes dont on n’a jamais fait une destination.

Moulins-sur-Allier, Vichy, Blois cette année ; Périgueux et Angers l’année dernière, nous avons visité plus de villes françaises en deux étés qu’en 50 ans. Le fait d’être obligés de nous arrêter 2h30 tous les 350 kilomètres à un endroit pourvu d’une borne de recharge rapide nous a amenés à concevoir notre itinéraire comme une chasse au trésor. 4 demi-journées étalées sur 3 jours, 3 haltes, des objectifs intermédiaires, des plans B…

Redécouvrir la notion d’aléa et la résolution de problèmes comme activité de voyage.

Millery, charmant village sur les coteaux du sud de Lyon, n’est pas équipé de borne de recharge. Qu’à cela ne tienne, nous avons un câble qui permet de recharger en 24 heures sur une prise normale. Comme nous ne sommes pas à vide et restons la nuit, ça va le faire. (plan B). Tintin ! La prise femelle ne veut rien savoir. Pas grave, il y a une borne ultra-rapide à Vienne sur le chemin en repartant le lendemain matin. 1h30 dans la vue quand même, mais la ville est intéressante (plan C). Pas de bol, la première borne de Vienne ne prend pas la carte d’abonnement censée marcher partout en France. La seconde est en plein centre-ville un jour de marché et pas rapide, autant dire inaccessible (plan D). Repli sur la borne de Saint-Jean de Bournay à une trentaine de kilomètres, bourgade iséroise sympathique mais ne valant pas 2h de balade. Va pour le plan E. 

L’ascension du col du Lautaret nous réserve une autre surprise : les 350 kilomètres d’autonomie à 80km/h sur du plat se réduisent de presque moitié en côte. On charge à la borne du col, la dernière avant Briançon, ou pas… Grave dilemme, d’autant qu’il n’y a plus de borne avant l’arrivée. Fatigués par 3 jours de voyage, nous décidons de prendre le risque. A raison, toute la route est en descente et la batterie regagne en descente une partie de ce qu’elle a perdu en montée. On a eu chaud !

Je vous passe (non allez, je ne vous passe pas) la borne inaccessible à Vichy un dimanche matin d’août, batterie à plat. Migration informatique, toutes les bornes de la ville sont inaccessibles à tout moyen de paiement. J’appelle sans y croire le numéro d’assistance client indiqué sur la borne. « La borne refuse mes cartes, je suis à sec, vous pouvez m’aider ? Bien sûr madame, je vous déclenche la charge et pour vous dédommager, nous vous l’offrons ». Il doit y avoir un dieu pour les sceptiques (et pour les conducteurs de voiture électrique). J’ai vaguement mauvaise conscience de profiter du travail dominical d’un étudiant dans un call center de Toulon, mais je suis trop soulagée pour m’y attarder. 

Mettre à profit un moment de liberté de dernière minute

Nous avons prévu de faire la dernière traite du voyage de retour un lundi matin de début août. Aucune obligation professionnelle ne nous presse ce lundi-là, nous décidons de faire un crochet par Amboise pour acheter du vin, Chaumont-sur-Loire pour visiter le festival des jardins, suivi d’un déjeuner à Blois, avant de rejoindre nos pénates vers 7 heures du soir, ravis de ce détour improvisé.

 

Dans le rétroviseur...

Nous sommes restés 15 jours « sur place » dans le Briançonnais. Nous adorons cette destination, mais si ce voyage était à refaire, je n’échangerais plus les jours passés « en route » pour des jours en plus « sur place ».

Nos apprentissages :

Ce changement est somme toute modeste : nous n’avons renoncé ni à notre besoin de partir en vacances ni à celui d’être dépaysés. 

Ce qui l’a rendu possible, c’est davantage les contraintes pratiques que nous avons acceptées que la volonté de changer.

Ces contraintes ont provoqué un ensemble d’expériences, pour partie inattendues, qui ont profondément modifié notre perception.

Je n’ai pas l’ambition à travers ce récit de convertir qui que ce soit à cette manière de voyager (la destination de mon apprentissage). En revanche, je crois que le processus d’apprentissage (le trajet), basé sur des contraintes acceptées et des expériences est riche de potentialités pour aider mes clients à entreprendre leurs changements.

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