Le pont d’Avignon, reconstruit virtuellement. Une prouesse architecturale et numérique.
Copyright 2014. Unité mixte de recherche 3495 CNRS / MCC. Modèles et simulations pour l’Architecture et le Patrimoine (MAP). www.map.cnrs.fr
« Je n’aime pas ce monde mais je dois reconnaître qu’il marche bien ». Cette remarque désabusée, faite par un participant au démarrage d’un coaching de groupe il y a quelques semaines résonne encore. Cela fait tout juste un an cette semaine que, bon gré mal gré, la vie professionnelle de la plupart de mes clients s’est virtualisée, et la mienne avec.
Même si, comme beaucoup, je suis en manque cruel de convivialité, je suis plus optimiste que ce dirigeant sur la virtualisation de mon activité professionnelle. Retour sur un an d’adaptation et d’apprentissages, souvent positifs.
Rester en ligne plus d’une heure d’affilée, c’est épuisant. Pour ceux et celles qui écoutent et luttent pour rester attentifs ; pour ceux et celles qui parlent sans voir l’essentiel de leur audience, sans entendre les réactions de participants qui ont poliment coupé leur micro.
S’il existe encore des réunions qui durent plus de 2 heures d’affilée, la tendance est au raccourcissement. Et je note que dans tous les groupes que j’anime, les participants sont bien plus productifs dans les réunions où ils peuvent prendre une pause toutes les heures. Leur niveau d’attention est meilleur, leur engagement est plus actif, les interventions sont plus concises et focalisées sur l’objectif.
Le raccourcissement du temps d’interaction et la suppression des temps de transport s’accompagne d’un morcellement du temps et de la concentration : il y a encore un an, quitte à prendre le train ou l’avion pour aller voir un.e client.e, beaucoup d’entre nous préparaient leur réunion à l’aller, s’arrangeaient pour passer la demi-journée, voire la journée entière sur place en rencontrant plusieurs personnes, et rédigeaient leur compte-rendu au retour. Participer à un séminaire en résidentiel signifiait barrer 2, 3 jours dans son agenda. Pour beaucoup, le temps de trajet servait de sas entre la vie quotidienne et ces quelques jours entre parenthèses. Dans la même journée virtualisée, mes client.e.s comme mes collègues se réunissent avec leur équipe le matin, participent à un coaching de groupe à midi, rencontrent un.e client.e l’après-midi, avant de reboucler avec leur codir le soir.
Cette disparition des sas et des parenthèses n’est pas un phénomène nouveau. Cela fait 10-15 ans (depuis la généralisation des Smartphones, je dirais) que j’observe une pression croissante sur le temps de mes client.e.s, laquelle se traduit par des demandes de raccourcissement des formats de formation et séminaires, un absentéisme « perlé » de plus en plus fréquent, des pertes de concentration de plus en plus rapides. La virtualisation n’a fait qu’accentuer ce phénomène et m’obliger à m’adapter.
Paradoxalement, alors que je n’ai pas bougé de ma Normandie depuis un an, mon activité n’a jamais été aussi internationale. Mon réseau actif s’est enrichi d’Indien.ne.s, de Canadien.ne.s, de Suisses.ses, de Marocain.e.s, de Néo-Zélandais.e.s ; mes client.e.s sont au Royaume-Uni, en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Autriche, en Chine ; je me forme auprès d’un organisme Indien ; les participant.e.s aux groupes que j’anime se connectent souvent d’au moins trois continents à la même réunion. Jamais ne n’avais eu accès au monde entier à ce point-là auparavant, même en parlant correctement l’anglais.
Cela pose bien sûr la question des décalages horaires et de la disparition des pauses repas. Pour réunir des participant.e.s américains, des européen.ne.s et des asiatiques, la seule heure possible est l’heure du petit déjeuner pour les premier.e.s, du déjeuner pour les second.e.s, du dîner pour les troisièmes. Pour moi, la richesse de cette multiplicité de cultures et de points de vue justifie largement le sacrifice du sacro-saint repas à table… et nécessite quelques aménagements de ma vie personnelle.
Puisque les réunions ne peuvent plus être que brèves, il est devenu indispensable de se concentrer sur l’essentiel. Autrement dit, les bonnes pratiques prêchées pour l’essentiel dans le désert depuis 30 ans deviennent aujourd’hui vitales, sous peine de voir les caméras s’éteindre et les participants vaquer à d’autres priorités, ce dont mes clients commencent à se plaindre avec insistance.
Je note quelques progrès vers :
Si j’en crois mes client.e.s, ce n’est pas encore le cas partout, loin s’en faut. Mais je vois ici et là que les résistances culturelles à ces bonnes pratiques sont en train de céder sous la pression de la virtualisation.
Mes client.e.s expriment tou.te.s le même manque : voir leurs équipes en vrai, avoir le temps de passer du temps à parler du week-end, du temps qu’il fait, de la santé de Papi, de la scolarité de la petite dernière, pouvoir boire un café ou un verre ensemble avant ou après une réunion intense… bref des relations sans autre but que la relation elle-même.
Cela faisait des décennies que je faisais partie de ces bataillons de consultant.e.s qui tentaient de convaincre leurs clients qu’il fallait laisser du temps, pendant le séminaire d’équipe, aux relations-comme-fin-en-soi. Et cela faisait des décennies que la plupart de mes clients me répondaient « productivité ». Qu’à cela ne tienne, il restait la machine à café, les couloirs et la cantine. Maintenant que la virtualisation a fait disparaître tous ces interstices de nos vies professionnelles, le besoin de relation-comme-fin-en-soi dans le cadre professionnel apparaît comme une évidence, y compris aux plus productivistes. Alléluia !
Prendre soin de soi est devenu une responsabilité plus individuelle que jamais. Les frontières entre bureau et maison, temps pro et temps perso se sont estompées pour toutes les raisons évoquées ci-dessus ; la plupart des activités et lieux de loisirs sont inaccessibles ; faire une course en rentrant du bureau n’a plus aucun sens pour beaucoup d’entre nous. Retrouver du temps pour pour s’aérer, faire du sport, prendre un repas en famille, devient un sport de combat, auquel beaucoup d’entre nous sommes encore « ceinture blanche », comme je l’écrivais déjà ici.
Si j’en crois les demandes de mes client.e.s et le bruit sur les réseaux sociaux, ce combat-là est celui de ce début de 2021.
Au fond, et même si encore une fois les séminaires en résidentiel me manquent, je trouve que la virtualisation a plutôt fait du bien à mes pratiques professionnelles, en les rendant plus économes du temps de mes clients. Prenant volontiers le risque de me tromper, j’imagine l’avenir des activités dites « télétravaillables » (quel affreux mot) réparti entre plusieurs moments, plusieurs lieux, plusieurs tailles de groupe, plusieurs outils.
Quand les réunions en présentiel redeviendront possibles sans restriction sanitaire, je formule le souhait que cette répartition ressemble à quelque chose comme :
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