Le développement des talents, et particulier des leaders de demain est une pièce maîtresse des politiques de Ressources Humaines. C’est particulièrement vrai à un moment où les enjeux de rétention se font plus aigus.
L’épidémie de Covid a considérablement accéléré le développement de programmes d’executive development virtuels à l’échelle internationale. C’est beaucoup moins cher, très efficace et en apparence plus facile à organiser.
Attention toutefois à ne pas oublier ce qui fait la valeur de ces programmes. À défaut, l’executive development, durablement réduit au nécessaire apparent, perdra beaucoup de sa valeur. Pour les stagiaires tout d’abord, et par conséquent pour les organisations qui y investissent.
Les universités d’entreprise avaient un pays de référence, le plus souvent le berceau du Groupe, et / ou un point de regroupement par région. Les programmes proposés aux cadres supérieurs avaient pour objectif de développer leur leadership et élargir leurs perspectives sur les enjeux d’avenir de leur secteur.
Ces événements d’executive development rassemblaient le plus souvent des intervenants triés sur le volet, des activités à fort potentiel d’apprentissage et d’autres plus tournées vers la culture générale, voire le divertissement. Les dîners, spectacles, excursions, visites, avant autant leur place que les conférences et ateliers de travail collectif. En outre, ces événements bénéficiaient de prestations hôtelières de très grande qualité. Ces séminaires constituaient donc des moments de tourisme d’affaire particulièrement appréciés, tant des stagiaires que des intervenants.
Un programme se déroulait sur plusieurs jours consécutifs, d’autant plus que les stagiaires venaient de loin. Pour beaucoup, participer à ces événements revenait à organiser une semaine de déplacements. Préparer son absence du bureau, déléguer les responsabilités familiales en particulier pour les femmes, etc. C’était une sacrée logistique, mais l’évasion que représentaient ces séminaires en valait la chandelle. Ces programmes étaient de vrais moments de respiration dans les vies de ces cadres sous pression le reste de l’année. Cela contribuait à la prise de recul nécessaire pour remettre en question leurs schémas de pensée et faire de la place à de nouveaux apprentissages.
Les programmes d’executive development offraient aussi l’occasion de rencontrer des pairs et d’élargir son réseau au sein de l’organisation. Or, ces occasions se présentaient principalement en-dehors des séances de travail. Pendant les pauses, les repas, les moments de flottement entre deux activités organisées, par exemple.
En bientôt deux ans, les programmes d’executive development sont presque tous devenus virtuels, avec un certain nombre d’avantages réels, d’autres en trompe l’œil.
Il est plus facile et surtout beaucoup moins cher de réunir en ligne des personnes du monde entier que de leur faire traverser la planète. Certains programmes nationaux ou régionaux sont devenus mondiaux, avec ce que cela comporte d’ouverture interculturelle et d’élargissement des perspectives individuelles.
Le processus d’apprentissage a dû être repensé pour s’adapter au format virtuel, avec des séances de travail :
La réorganisation du temps d’apprentissage, réduisant le temps de réunion par 2 ou 3 au profit de moments d’apprentissage asynchrone, en situation professionnelle, est un véritable gain en matière d’apprentissage… Sous réserve que le travail individuel soit fait.
Ces formules « Rien que l’essentiel » ont été les bienvenues pendant les périodes de confinement, qui ont été particulièrement éprouvantes pour les leaders. Même si cela représentait une visioconférence de plus dans des journées qui en étaient saturées, les séances d’executive development étaient les seuls moments un tant soit peu centrés sur soi pour des leaders qui ont dépensé une quantité remarquable de leur temps et de leur énergie à soutenir le moral de leurs équipes complètement déboussolées.
Puis le travail dit hybride est arrivé, avec retour au bureau et un peu plus de télétravail dans beaucoup d’organisations. Dans des conditions sanitaires encore très incertaines, organiser des événements en salle représente encore un vrai risque et peu de mes clients s’y aventurent.
Enchâssées dans un quotidien toujours plus dense, les séances d’executive development ne représentent plus qu’une visioconférence de plus et cela se ressent sur la disponibilité des participants.
Les stagiaires sont immergés dans leurs tâches quotidiennes jusqu’à la dernière minute avant le début de la séance et y retournent dans la minute qui suit, quand ce n’est pas plus tôt. Les interruptions de séance se multiplient, sur l’air de : « j’ai une réunion importante ». La pression de l’environnement de travail, qui n’a aucune raison de considérer une personne physiquement présente comme indisponible, est perceptible en séance.
Autrefois, il était envisageable de faire garder ses enfants pendant une semaine pour partir en déplacement. À présent, devoir réorganiser les conduites à l’école, les repas ou les devoirs de manière perlée tout en étant là est une véritable gageure. Les stagiaires s’y déclarent de plus en plus ouvertement réticents. Les désistements de dernière minute ou en cours de programme commencent à se multiplier. Cela crée des coûts indirects pour les organisations et des difficultés d’animation au sein de groupes dont l’efficacité repose sur la cohésion.
Aux États-Unis, en Angleterre ou aux Pays-Bas, travailler en mangeant son sandwich de midi est tout à fait normal ; c’est un sacrilège dans les pays latins et beaucoup de cultures asiatiques qui valorisent encore beaucoup la pause méridienne. De la même manière, obliger des jeunes parents à participer à une réunion à l’heure où ils emmènent leurs enfants à l’école ou leur donnent leur bain du soir sous prétexte de pouvoir couvrir un maximum de créneaux horaires va à rebours des discours sur la parentalité et l’inclusion des femmes dans les sphères de pouvoir.
Je l’écrivais il y a 6 mois ici : les programmes-événements sur 3 jours ont vécu. La recherche de ROI dans les programmes d’executive development est là pour rester. Mais ce n’est pas en s’engageant dans la spirale du « toujours moins » qu’on y parviendra. Selon moi, il y a trois pistes à explorer :
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Topia, ou comment introduire du dépaysement et de l’informel dans nos interactions vidéo
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