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Soutien et/ou confrontation, une décision conjointe plus qu’une question de style

Mis à jour le : 22 septembre 2021

J’entends régulièrement des confrères et consœurs définir leur style de coaching en se situant, au choix, dans le camp des coachs « soutenants » ou dans celui des « confrontants ». Un certain nombre d’auteurs théorisent même cette opposition et choisissent résolument leur camp, s’accusant mutuellement de « brutalité » ou de « complaisance ».

Les concepts d’empathie stratégique et de pensée indépendante me paraissent à la fois plus justes, plus fins et plus adaptables. Les 3 exemples qui suivent sont loin d'épuiser l'éventail des nuances disponibles pour choisir la posture la mieux ajustée aux besoins de mes coachés. Ils me permettent juste d'illustrer ma conviction selon laquelle soutien et confrontation ne s'opposent pas. Soutien et confrontation se combinent, dans des proportions qui doivent être décidées conjointement entre coach et coaché au fil de la relation de coaching.

On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre : le soutien précède toute confrontation.

Armand démarre son coaching à reculons. Sa nouvelle patronne l'y a envoyé comme on envoyait jadis les délinquants en maison de correction. Si son comportement ne s’améliore pas d’ici la fin de l’année, ça va chauffer. Cerise sur le gâteau, les RH ont fait réaliser une évaluation à 360° auprès de tous les services avec lesquels il travaille, afin que sa coach ait toutes les informations nécessaires pour « régler le problème Armand ». Lequel est aux abois. Personne sur qui compter, des critiques et des menaces de toutes parts... Alors que ses résultats opérationnels restent excellents, ils l’ont toujours été depuis 15 ans qu’il est dans la boîte. C’est du reste la raison pour laquelle l’entreprise ne s’est pas séparée de lui.

Les premiers contacts avec le coach sont… tendus. Armand s’acharne à prouver qu’il a raison. Les autres sont des cons, ou manipulés, ou les deux. Ses chefs sont incompétents. Le système d’évaluation est biaisé. Bref, Armand (qui est un coaché imaginaire, créé à partir de plusieurs clients que j'ai rencontrés dans des circonstances similaires) est furieux. Ce système injuste ne reconnaît plus sa valeur et ne promeut plus que des politicards. Il a peur de se faire virer d’une entreprise à laquelle il est attaché, malgré tout.

Armand sait qu’il a des efforts comportementaux importants à faire il est prêt à les faire pour garder sa place. Il a juste besoin d’avoir affaire à quelqu’un qui lui veut du bien. Avant d’envisager la moindre remise en cause de sa vision des choses ou de son comportement, Armand a besoin de se sentir écouté, compris, en sécurité. Sans quoi la moindre question résonnera comme une menace de plus.

Un train peut en cacher un autre : une demande de confrontation peut cacher un besoin de soutien

Pauline participe à un forum pour dirigeants à hauts potentiels, qui comporte des séances de codéveloppement. C’est une habituée de ces programmes qui vous regardent sous toutes les coutures pour y traquer la moindre « opportunité de développement ». Et si elle occupe un poste important si tôt dans sa carrière, c’est qu’elle est aussi brillante intellectuellement que douée sur le plan relationnel. Elle n’hésite pas à demander à son groupe de la pousser dans ses retranchements quand vient son tour d’être « cliente ».

Le sujet qu’elle amène aujourd’hui l’amène à découvrir que ce qui lui pose problème, ce sont les émotions qu’elle ressent dans la situation qu’elle décrit, et qui l’empêchent de faire ce qu’elle a à faire. Ce qui confronte le plus sa vision de la situation, c’est qu’elle a besoin de soutien émotionnel.

J’ai fréquemment observé ce phénomène, en particulier dans des coachings de groupe. Un leader à forte personnalité et confiance en soi, très en demande de confrontation peut à tout moment découvrir une zone de vulnérabilité dans laquelle il est indispensable de lui apporter du soutien. Là encore, ce n’est pas tant une question de style que d’opportunité stratégique à saisir pour aider la personne à apprendre quelque chose de cette vulnérabilité imprévue. Sans cela, elle referme l’armure et circulez m’sieurs-dames, y’a rien à voir.

On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif : ni soutien ni confrontation, je veux réfléchir par moi-même

La motivation de Fabrice à participer à ce coaching est loin d’être évidente. Il sait choisir ses batailles, manager ses chefs et jouer avec les indicateurs de performance et le système d’évaluation pour obtenir ce qu’il veut. La limite de l’exercice, c’est que son entourage lui reproche son manque de sincérité, de courage et d’authenticité.  Ce qui a marché pour gérer sa carrière de main de maître donne de moins bons résultats sur le projet qu’il mène en ce moment.

D’entrée de jeu, il fait savoir à son coach qu’il n’a aucune raison de se remettre en cause. À plusieurs reprises, il fait état des résultats mitigés de son action... Et enchaîne immédiatement par « si c’était à refaire, je referais pareil ». Il balaie d’un revers de main toute question sur ce qui ne marche pas. Il réagit au moindre commentaire appréciatif sur ce qui marche par un regard agacé. 

« Qui sont les alliés de xyz ? 
– Excellente question !
– Quelles sont les implications de blablabla ?
– Pertinent !
– Qu’attendez-vous de cette action ?
– …
– … ?
– … Pas facile...

Fabrice a besoin de penser par lui-même. Ni soutien ni confrontation, seulement réfléchir tout haut. Il veut qu'on l'écoute sans interruption, sans commentaires, sans reformulations, sans recadrages, sans rien. Il veut garder le contrôle. Le soutien c’est pour les faibles et la confrontation, c’est pas pour un mâle alpha comme il se décrit lui-même. La confrontation viendra de la question la plus ouverte, la plus neutre, qui l’obligera à réfléchir plus fort qu’il ne le ferait seul.

La matrice soutien / confrontation de Bridge the Gap Co
Mon interprétation personnelle de la dialectique soutien / confrontation. Merci de citer vos sources si vous l'utilisez.

Mes apprentissages

Mon rôle en tant que coach, c’est d’apporter à mes clients la dose de soutien et de confrontation dont ils ont besoin, à chaque moment de leur travail personnel. La case en haut à droite, où le soutien et la confrontation sont également élevés, est celle dans laquelle je crois que s’opèrent les changements les plus décisifs. Cela étant, elle n’est pas accessible immédiatement, ni même à chaque séance une fois qu’elle a été ouverte une fois. Adapter le dosage à chaque étape de la relation, c’est une décision à prendre conjointement par le coach et le client, pas une décision unilatérale du coach.

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